Russie 1998-1999
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Re: Russie 1998-1999
Un site très riche présentant des photos prises en Russie : lien.
Au hasard des photos on découvre des situations ahurissantes et des trésors d'ingéniosité typiquement slave !
Rammstein
Au hasard des photos on découvre des situations ahurissantes et des trésors d'ingéniosité typiquement slave !
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Re: Russie 1998-1999
Un petit reportage en anglais (avé l'accent de l'est) sur les enseignements de la crise économique russe de 1998 : lien.
Rammstein
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Rammstein- Membre fondateur
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Re: Russie 1998-1999
"Y trouvent plus de médicaments en Grèce ? A l'ère du téléphone mobile et de l'internet, ce n'est pas un problème, car tant que les services publics fonctionnent (poste, transports) rien n'empêche de s'approvisionner à l'étranger."
Voilà résumé en 2 phrases un bout de discussion sur la crise économique grecque que je suivais sur un forum francophone. Sur le papier cette démarche éminament consumériste semble parfaitement logique. Sauf que dans la vraie vie la situation est différente.
On suppose d'abord que malgré la crise vous avez conservé votre niveau de vie d'antant et disposez de fonds, d'un moyen de paiement et d'une connection internet, ce qui n'est pas forcément une chose acquise. On suppose que les services publics fonctionnent normalement et que la pénurie n'est pas généralisée à plusieurs pays, ce qui n'est pas non plus garanti. Mais ce que ce raisonnement ignore superbement, c'est le facteur humain. En Russie lors de la crise, quasiment TOUS les envois postaux, et surtout ceux venant de l'étranger, étaient systématiquement fouillés et pillés par les employés des services postaux. Ces derniers, bénéficiant d'un statut de fonctionnaires et payés une misère, vivaient sur la bête ! Et d'expérience il n'y a rien de plus désappointant que de recevoir un colis de Noel remplis d'emballages de boîtes de chocolat vides...
La parade consistait alors à passer par des services postaux privés style Fedex ou DHL, avec à la clé une grosse facture.
L'autre facteur à prendre en compte est que les vendeurs refusent quasi systématiquement d'expédier leur marchandise vers des pays réputés peu sûrs, le risque de litige étant loin d'être non nul. Il y a fort à parier que la Grèce s'est ajoutée à la liste depuis quelques mois et que tout pays sombrant dans le marasme économique subira le même sort. Au passage j'en profite pour signaler une petite astuce expliquée ici et permettant de passer à travers les mailles du filet, avec un peu de chance, en espérant évidemment que le colis ne sera pas pillé en route...
Many USA ecommerce shops don’t send their goods to Russia or to the countries of the Ex-USSR. Some shops send but delivery costs differ greatly from the homeland ones, they are usually much bigger. So what did some Russians invented? They got a way to fool the delivery. It’s no secret that many bigger shops use electronic systems processing orders. So in order to see if this address is in USA or Canada it uses ZIP code, state or province name and words “USA” or “CANADA”. So what was possible to do is to put totally Russian address in the order delivery form, like: Moscow, Lenin St. 20, Russia in the address fields, usually there is a plenty of space to enter long things like this, and in the field country they put Canada in the field ZIP code – Canadian zip code. What happens next? The parcel travels to Canada, to the area to which the specified ZIP code belongs and there postal workers just see it’s not a Canadian address but Russian. They consider it to be some sort of mistake and forward it further, to Russia.
Moralité : autant que possible, s'agissant dans le cas présent de médicaments, constituer un petit stock au cas où, et pas seulement dans l'optique d'une crise économique. C'est d'autant plus pertinent si vous souffrez d'une maladie chronique et que votre vie dépend des médicaments.
Rammstein
Voilà résumé en 2 phrases un bout de discussion sur la crise économique grecque que je suivais sur un forum francophone. Sur le papier cette démarche éminament consumériste semble parfaitement logique. Sauf que dans la vraie vie la situation est différente.
On suppose d'abord que malgré la crise vous avez conservé votre niveau de vie d'antant et disposez de fonds, d'un moyen de paiement et d'une connection internet, ce qui n'est pas forcément une chose acquise. On suppose que les services publics fonctionnent normalement et que la pénurie n'est pas généralisée à plusieurs pays, ce qui n'est pas non plus garanti. Mais ce que ce raisonnement ignore superbement, c'est le facteur humain. En Russie lors de la crise, quasiment TOUS les envois postaux, et surtout ceux venant de l'étranger, étaient systématiquement fouillés et pillés par les employés des services postaux. Ces derniers, bénéficiant d'un statut de fonctionnaires et payés une misère, vivaient sur la bête ! Et d'expérience il n'y a rien de plus désappointant que de recevoir un colis de Noel remplis d'emballages de boîtes de chocolat vides...
La parade consistait alors à passer par des services postaux privés style Fedex ou DHL, avec à la clé une grosse facture.
L'autre facteur à prendre en compte est que les vendeurs refusent quasi systématiquement d'expédier leur marchandise vers des pays réputés peu sûrs, le risque de litige étant loin d'être non nul. Il y a fort à parier que la Grèce s'est ajoutée à la liste depuis quelques mois et que tout pays sombrant dans le marasme économique subira le même sort. Au passage j'en profite pour signaler une petite astuce expliquée ici et permettant de passer à travers les mailles du filet, avec un peu de chance, en espérant évidemment que le colis ne sera pas pillé en route...
Many USA ecommerce shops don’t send their goods to Russia or to the countries of the Ex-USSR. Some shops send but delivery costs differ greatly from the homeland ones, they are usually much bigger. So what did some Russians invented? They got a way to fool the delivery. It’s no secret that many bigger shops use electronic systems processing orders. So in order to see if this address is in USA or Canada it uses ZIP code, state or province name and words “USA” or “CANADA”. So what was possible to do is to put totally Russian address in the order delivery form, like: Moscow, Lenin St. 20, Russia in the address fields, usually there is a plenty of space to enter long things like this, and in the field country they put Canada in the field ZIP code – Canadian zip code. What happens next? The parcel travels to Canada, to the area to which the specified ZIP code belongs and there postal workers just see it’s not a Canadian address but Russian. They consider it to be some sort of mistake and forward it further, to Russia.
Moralité : autant que possible, s'agissant dans le cas présent de médicaments, constituer un petit stock au cas où, et pas seulement dans l'optique d'une crise économique. C'est d'autant plus pertinent si vous souffrez d'une maladie chronique et que votre vie dépend des médicaments.
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Dernière édition par Rammstein le Ven 16 Mar 2012 - 20:41, édité 1 fois
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Re: Russie 1998-1999
Juste ce que tu dit là Rammstein. Dans un cas de problême économique, je suppose qu'un pays dans la situation de la grèce, surveillera aussi les sortie de devise comme le dollars et l'euro (Tout comme chez moi) et sortir le moindre petit roro fera l'objet de complication administrative insurmentable (J'ais même pas pu envoyé 7 Euro la dérnière foi à un ami pour m'acheté un Firesteel' heureusement qu'il me là offert à la fin ).
Un adage de chez moi dit: "Il ne sent la braise que celui qui a le pied dessus"
"Y trouvent plus de médicaments en Grèce ? A l'ère du téléphone mobile et de l'internet, ce n'est pas un problème, car tant que les services publics fonctionnent (poste, transports) rien n'empêche de s'approvisionner à l'étranger."
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Je suit comme le scorpion, je chasse tranquille, je fuit le danger, mais faut pas me marché dessus car je pique.
Que le meilleur de votre passé soit le pire de votre avenir !
Présentation BAROUD
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Re: Russie 1998-1999
Avertissement 1 : les photographies ci-dessous ont été prises à une époque où préparation et survivalisme n'étaient pas mes préoccupations principales. Elles ne reflètent donc que très superficiellement et partiellement la dure réalité vécue par les Russes pendant la crise économique de 1998.
Avertissement 2 : ces clichés ont été pris au siècle dernier avec un appareil photographique argentique, bien avant l'avènement du numérique. Pas question de mitrailler donc : avec l'argentique, chaque photo est réfléchie et nécessite une mise au point. Ceci nuit évidement à la réactivité mais constitue à mon sens l'essence même de la photographie. Bien souvent je n'ai pas disposé à temps d'un appareil opérationnel afin d'immortaliser une situation particulière. De nos jours, ce travail documentaire serait certainement beaucoup plus aisé.
Avertissement 3 : sachant que je tiens à mon anonymat, il m'en coûte énormément de publier ces photos privées sur un forum public. Pour autant, ces clichés témoignent d'une époque difficile de l'Histoire de la Russie et méritent d'être montrés à tous ceux curieux de savoir à quoi ressemble l'effondrement total d'un système arrivé à bout de souffle et achevé par une crise économique carabinée. Si vous pensez m'avoir reconnu, dites-vous bien que nous étions plusieurs dizaines de français présents sur les lieux à cette période. Il est donc très improbable que je sois la personne à laquelle vous pensez !
Le poids des mots, le choc des photos ! Après qu'ils aient passé plus de 20 ans au fond d’une armoire, j’ai finalement scanné les négatifs des photos prises en Russie pendant la période 1998-1999. Elles illustrent plutôt bien l'état de délabrement qui peut régner dans un pays en faillite. Quelques films ont mal vieilli, mais globalement le reste a conservé une bonne qualité chromatique.
Les clichés ont été réalisés pour l'essentiel en lumière naturelle avec un appareil photographique argentique acheté sur place, un Zenit 12CD (en fait SD, la version locale du modèle 12XP destiné alors à l’export) équipé d’un objectif Helios 44-M4. Vous me pardonnerez l’imperfection de certains prises de vues : à l’époque je débutais en photographie et apprenais laborieusement à maîtriser mon premier reflex soviétique, qui comme vous le voyez ci-dessous est loin d'être compact, léger et facile à manipuler ! Pour couronner le tout, les conditions climatiques et la nuit polaire ont souvent compliqué la tâche : pellicule gelée dans l’appareil, pénombre permanente, buée sur les optiques, doigts gourds…
Je poste les photos en vrac, vaguement regroupées par thème, mon objectif étant surtout d'illustrer par la photographie mes écrits publiés dans ce fil de discussion il y a déjà bien longtemps... Sortez la vodka et les cornichons, c’est parti pour un voyage dans le passé post-soviétique !
- L’entrée du célèbre théâtre Marinskii (ex-Kirov), avec en face une enseigne de restauration rapide américaine (hum !) très prisée des touristes étrangers. Et donc en toute logique l’endroit attirait des bataillons d’enfants des rues, venant mendier n’importe quoi : argent, nourriture, cigarettes… Je reste volontairement soft, la Russie des années 90 ayant également servi de terrain de chasse à de nombreux prédateurs homosexuels occidentaux amateurs de petits garçons... Une constante demeure toutefois dès qu'un pays plonge dans la crise économique : la prostitution explose et envahie complètement tous les échelons de la société. Où que vous alliez, vous rencontrerez des prostitué(e)s ! Il se peut même que votre voisine, si timide et réservée, n'ait que ce moyen-là à disposition pour payer son loyer et boucler ses fins de mois... Et face à cela, toutes les lois des bien-pensants ne peuvent rien !
- Une automobiliste en infraction se fait contrôler par un policier. A l’époque, les policiers avaient pour habitude d’arrêter les automobilistes pour des motifs futiles (en Russie cela ne manque pas) et d’infliger des amendes à tire-larigot, payables de suite en liquide, naturellement. Une façon comme une autre d’arrondir ses fins de mois dans un état en faillite !
- Changement de pneu à la hussarde pour ces conducteurs de bus, armés d’une simple barre à mine. Ou quand les services publics doivent improviser et faire face au manque chronique de moyens...
- De façon générale, les transports en commun souffraient chroniquement d'obsolescence et d'un manque criant de moyens. Pour autant ils assuraient leur service vaille que vaille, constituant pour beaucoup de Russes leur seul moyen de transport. Ici des trolleybus bien fatigués assurent la desserte du centre-ville, et comme on peut le constater, un peu de neige sur la chaussée n'est pas un problème en Russie !
- Panne au beau milieu de la circulation ! Lorsque tout se déglingue et qu’aucune assistance n'est à espérer, on ne peut compter que sur soi-même, quitte à gêner le trafic routier !
- Scène banale de circulation, mettant en scène un break hors-d'âge de fabrication soviétique, chargé jusqu'au toit d'un capharnaüm indescriptible. Disposer d'un véhicule apte à ce genre de tâche est un avantage indéniable en période de crise !
- Autre scène banale de circulation automobile dans la Russie post-soviétique : ce qui pouvait toutefois interpeller le touriste à l'époque était la présence non-négligeable (10 à 15% selon des estimations) de véhicules - et surtout de berlines allemandes ! - roulant avec des plaques numéralogiques allemandes ! N'allez pas croire que des automobilistes allemands, cèdant à une vilaine habitude, se soient égarés un peu trop à l'Est de l'Oder-Neisse en quête d'espace vital ! La totalité de ces véhicules était en fait volée. Leur nouveau propriétaire, sans doute atteint de phobie administrative à l'instar de l'ex-ministre Thomas Thévenoud, préférait alors payer des contraventions et des pots-de-vin plutôt que d'effectuer des formalités d'immatriculation qui auraient suscité des questions indiscrètes de la part des autorités. A noter que plusieurs marchés aux voitures volées étaient ouverts en permanence aux quatre coins de la ville, au vu et au su de tous !
- Par rapport à ce que nous connaissons à l’ouest, les villes russes sont très étendues, ce qui est bénéfique pour la santé car le moindre déplacement implique beaucoup de marche ! L’autre option consiste à emprunter les transports en commun. Et là on est vite confronté à l’organisation toute particulière des services publics post-soviétiques ! Il faudrait en fait plutôt parler de désorganisation, car la pénurie de moyens fait que des lignes de bus sont supprimées sans préavis, des arrêts ne sont plus assurés, la fréquence des passages se réduit, et les aléas dus au manque d’entretien du matériel se multiplient. Situation typique : on sait, au mieux, qu’un bus doit passer quelque part par-là, on ne sait quand. Un arrêt de bus est tout de même matérialisé par une feuille A4 punaisée sur un arbre et un semblant de panneau. Evidemment on attend le passage d'un hypothétique bus une demi-heure, une heure… La nuit tombe... On se résout à rentrer à pieds, quand finalement une auto brinquebalante se pointe et permet de rentrer via le paiement de la course. Depuis, la situation s'est certainement arrangée ! Notez qu'à l'époque les bicyclettes se faisaient bizarrement très rares.
- A titre de comparaison, le métro fonctionnait comme un coucou suisse, et demeurait pendant la belle saison un moyen de transport vital pour de nombeux Russes enchaînant les aller-retours entre leur domicile citadin et leur lopin de terre en périphérie de la ville. On croisait donc souvent dans les rames du métro des gens chargés comme des mules, le sac-à-dos, les cabas et le chariot à roulettes (un autre outil indispensable à tout survivaliste se préparant sérieusement !) remplis de fruits et légumes ! La photo ci-dessous a été prise à l’entrée d'une station de métro : l’affluence et le froid intense font qu’un brouillard à couper au couteau et un taux d’humidité proche des 100% règnent en permanence dans les stations de surface. A contrario, plus on s’enfonce (le métro de Saint Pétersbourg descend à plus de 80m sous la surface et est un des plus profond et majestueux du monde), plus l’air devient respirable. Accessoirement, l'entrée de la station est le passage obligé des stalkers partant explorer les ruines radioactives du monde ancien ! Notre stalker ici présent porte la tenue typique du grey man russe des années 90 : veste de couleur sombre (bien souvent en peau de vache locale à peine tanée), des chaussures en cuir fabriquées en Chine, un vieux pantalon sombre de confection soviétique, et un couvre-chef assorti à la tenue (bonnet, ou plus généralement une chapka en fourrure). L'accessoire indispensable reste un sac, de sport de préférence pour les plus fortunés, ou en plastique pour les prolos. Ce sac permet le transport des objets trouvés en chemin (bouteilles consignées par exemple) et des achats imprévus, nul n'étant à l'abri d'une bonne affaire.
- Quelques kiosks stratégiquement positionnés à proximité d’une station de métro. Ce genre de commerces préfabriqués, ouverts quasiment en permanence et particulièrement lucratifs, était très courant, et malheureusement l’objet de nombreuses convoitises, que ce soit de la mafia ou de miliciens véreux. Autour s’agrégeait toute une ribambelle de vendeurs à la sauvette ou occasionnels, cherchant à se faire un peu d’argent en vendant de menus objets, le produit de leur cueillette ou la production de leur jardin potager.
- La même scène, à proximité d'un arrêt de bus. L’affluence que l’on voit sur la droite est constituée de gens attendant le bus et le tramway, vu que la voiture est devenu un produit de luxe que beaucoup ne peuvent plus se payer ou entretenir dans la Russie post-soviétique des années 90. Si vous êtes malin, vous investissez dans une camionnette apte au transport de passagers et de fret (LE véhicule survivaliste par excellence AMHA !) et suivez la desserte des lignes de bus officielles pendant les heures creuses : succès commercial assuré !
- Un marché officiel non loin de la frontière finnoise : comme à peu près dans tous les pays civilisés, les commerçants paient aux autorités une taxe afin de bénéficier d'un emplacement. Peut s'ajouter à cela un dessous-de-table supplémentaire pour bénéficier de la protection ou de l'indulgence de la milice. Les marchés "gris", inofficiels, étaient quant à eux généralement sous la coupe de la mafia, bien que parfois la ligne de démarcation entre milice et mafia soit très floue... Aux abords du marché (à droite sur la photo) les vendeurs à la sauvette exposent leur camelotte. Des marchés "gris" se tenaient de façon permanente dans des banlieues reculées, et étaient beaucoup mieux sécurisés : clôture, gardes armés, check-point à l'entrée... Sur ces marchés alimentés par la mafia pouvaient s'acheter des articles contrefaits (les CD étaient à la mode à l'époque), du matériel volé, de l'alcool frelaté, et même des armes en étant gentil avec le vendeur !
- Le miracle architectural socialiste (sic) a fait que les immeubles d’habitation sont construits à l’identique sur tout le territoire de l'ex-URSS, au point qu’il est très facile de s’y perdre. Le découpage des appartements est également partout identique, et souvent on y trouve les mêmes meubles standards. Un film comique russe très célèbre se moque d’ailleurs du phénomène : Ирония судьбы, или С лёгким паром! / L'Ironie Du Sort. Ici on voit une cour, dans un coin de laquelle est placé le conteneur à déchets. Les habitants y jettent leurs ordures, et une fois par semaine on y met le feu, le ramassage des poubelles étant de l'histoire ancienne ! Pour l'anecdote, j’ai vu de petits enfants jouer des heures dans cette cour, sans gants par -25°C, comme quoi tout est question d’habitude !
- Les appartements du rez-de-chaussés étant particulièrement exposés aux cambriolages et autres dégradations, leurs fenêtres sont souvent pourvues de barreaux. Ou alors les lieux restent innocupés et servent de squats et de salles de shoot aux héroinomanes ! Les propriétaires les plus fortunés se regroupent dans des immeubles un peu mieux sécurisés, et engagent des gardes armés chargés de filtrer en permanence les entrées et sorties. Mon logement ne dérogeait pas à la règle, et filer un billet aux gardes de l'immeuble faisait partie des règles de politesse. Les agrès des aires de jeu sont également standardisés : chaque cour d'habitation, chaque village dispose de sa capsule Soyouz sur laquelle les enfants jouent aux cosmonautes. A noter que des magasins et des lieux de restauration se cachaient parfois derrière ces bâtiments très discrets, au risque de passer totalement inaperçus. Je me souviens avoir été présent dans un bar, à jouer au billard avec une poignée d'autres clients, alors qu'un baron local - obèse ! - est entré accompagné de ses filles de joie et de ses gardes du corps. Il a clairement fait comprendre que nous étions de trop, et nous sommes donc partis. Quelques minutes plus tard, un commando rival a débarqué dans l'établissement et arrosé tout ce beau monde à la kalash ! Des morts, des blessés, et un local bien achalandé malheureusement fermé pour inventaire !
- Un parking privé au pied d’un bloc d’habitations. Les gardiens (en général d'anciens militaires et miliciens) se relayaient 24/24 heures, 7/7 jours, dans la petite cabane blanche montée sur le container en acier rouge. Ils passaient leur temps à boire du thé (si si !) et arboraient tous de jolies Kalash ! Le genre de types avec lesquels il valait mieux être copain ! Accessoirement, les métiers de la sécurité peuvent devenir une bonne source de revenus en période de vaches maigres, de paupérisation générale et de criminalité rampante, pour peu que vous soyez un minimum affûté physiquement.
- Un chien errant a tenté de me suivre lors d’une balade. Heureusement le grillage d'un terrain de tennis nous séparait ! Dans certains parcs et quartiers, de véritables meutes de chiens abandonnés s'étaient constituées, au point que les forces de l'ordre ont dû mettre en place des équipes d'élimination.
- Une vue sur le no-man’s land entourant les habitations de la périphérie. Mine de rien, ces vastes étendues étaient (et sont sans doute toujours) très fréquentées, car toute une faune s’y promenait en quête de potentielles victimes à dépouiller, d’objets déglingués à récupérer, ou simplement pour y cuver sa vodka. C’est également le terrain de jeu des Gopniki, ces jeunes russes désœuvrés et sans perspectives, singeant la sous-culture des rappeurs afro-américains. J'avais la chance d'être français et généreux, et donc les rencontres possiblement risquées se sont toujours bien terminées, les français ne courant pas les rues à l'époque. Pour l'anecdote, un article était sorti dans le journal local, indiquant que d’heureux prospecteurs avaient découverts une ancienne décharge enterrée remplie de bouteilles en verre dans un de ces nombreux no man’s lands de banlieue. Et qui dit verre dit consigne et donc kopecks !
- Petite escapade sur la Baltique gelée ! Les petits points noirs à l'horizon sont des pêcheurs partis pêcher au large, dans des trous creusés dans la glace. La proximité de la mer permet en effet aux plus modestes de se procurer par la pêche de quoi nourrir leur famille. A l'époque les privations alimentaires n'étaient pas rares, et certains de mes interlocuteurs russes - des citadins pur jus ne sachant sans doute pas pêcher - affichaient une maigreur à faire peur !
- Voici d'ailleurs un pêcheur de retour sur la berge, et manifestement pas bredouille ! Il porte l'acoutrement typiquement russe adapté au grand froid : chapka, épais manteau en peau et fourrure de mouton (bekesha) descendant jusqu'aux genoux, bottes de feutre adaptées à la marche dans la neige (valenki). La pêche était typiquement la seule activité permettant de mettre en quantité des protéines sur la table, la viande du commerce étant hors de prix et/ou de mauvaise qualité en raison de l'absence de chaîne du froid. Le secteur agricole, alors en plein bouleversement, s'est depuis considérablement développé.
- Des pêcheurs reviennent en ville avec leur butin. Saint-Pétersbourg comporte en effet de nombreux canaux navigables pendant la belle saison. Les poissons, au préalable salés et sêchés, se retrouvent ensuite directement sur les marchés locaux, et se dégustent arrosés de bière et de vodka. Certes cette activité était alors moins prestigieuse que la construction de sous-marins nucléaires, mais elle garantissait au moins à la ville un certain degré d'autonomie alimentaire.
- La Kazanskii Sobor / cathédrale de Kazan, lieu de rassemblement des anarchistes et des communistes en mal de putsch au plus fort de la crise financière. Ce jour-là, quelques bolchéviques étaient de sortie, mais l'affluence était loin d'égaler celle du mois d'août 1998, où une mobilisation massive du parti communiste avait rassemblé au même endroit plus d'un million de personnes et nécessité la mobilisation de l'armée et des troupes du ministère de l'intérieur. J'avais évité le centre-ville à l'époque, mais avais quand même été raflé par l'armée dans une station de métro voisine. Le pauvre trouffion avait alors halluciné en voyant mon passeport français...
- Une babouchka se rendant en ville fait un petit somme dans le train, sans pour autant lâcher ses cabats. De nombreux commerçants improvisés profitent des transports publics pour écouler leur marchandise. Les trains eux-mêmes - chauffés ! - sont également des lieux de commerce très appréciés, des vendeurs ambulants écoulant leurs babioles (journaux, livres, viennoiseries, sucreries...) pendant le trajet. Ces vendeurs ambulants sont souvent des femmes retraitées essayant de compléter leur maigre retraite avec ce revenu complémentaire. Quant à eux hommes, ils mouraient avant d'atteindre 60 ans - en moyenne - ce qui leur permettait d'éviter par la force des choses l'exercice de ces petits boulots mal payés !
- Le centre névralgique de toute ville russe en hiver : la centrale thermique ! Celle-ci permet d'alimenter à l'échelle de la ville les réseaux d'eau chaude (il n'y a pas de cumulus dans les appartements soviétoides, histoire de limiter la maintenance au stricte minimum) et de chauffage central. Evidemment, l'impact environnemental du bidule est loin d'être anodin quand on utilise du charbon... A l'époque il n'était pas question de sauver la planête, et de toute façon la Russie était considérée comme moribonde... Le thermomètre affichait ce jour-là un petit -34°C : ma pellicule capitaliste de marque Kodak a gelé dans l'appareil. Quant à moi, j'ai fait la tournée des bars de la ville afin de ne pas mourir de froid, la semelle de mes godillots ayant gelé !
- Crise économique ne signifie pas forcément baisser la garde ! L'armée russe, bien que démoralisée par la 2e guerre de Tchétchénie et chroniquement sous-équipée, parvenait à maintenir un semblant de cohésion et d'efficacité, au prix d'une discipline de fer et d'un entraînement sans pitié ! Mine de rien, les restes encore vaillants de l'Armée Rouge ont sans doute évité au pays de se faire littéralement bouffer par l'ogre américano-capitaliste ! Il n'était pas rare de voir la troupe se déplacer d'un point A à un point B à pied, voire à marche forcée ! La période étant en outre très agitée (manifestations monstres, menaces de putsch, terrorismes islamiste et séparatiste...), la troupe servait de bouche-trou aux forces de police et s'affichait dans de nombreux lieux publics, sur le modèle du plan vigipirate français.
- La ville ayant conservé un certain attrait, l'afflux de touristes permettait la rentrée de devises et l'exercice d'activités professionnelles en lien avec le tourisme. Le peintre ci-dessous, par exemple, approvisionne avec ses peintures le marché touristique de la cathédrale Spas-na-Krovi / Saint-Sauveur-Sur-Le-Sang-Versé, situé à proximité. Vu l'âge du peintre, on peut aisément imaginer que cette activité apporte un complément conséquent à sa maigre retraite ! De façon générale, en temps de crise, toute activité de loisirs un tant soit peu artisanale ou artistique peut devenir possiblement rémunératrice. Et si c'est votre profession, c'est encore mieux ! L'avénement d'internet est, de ce point de vue-là, à voir d'un bon oeil car il permet de toucher une clientèle beaucoup plus vaste !
- Malgrè le froid, Pouchkine reste toujours fringant ! Du fait de la fréquentation touristique, la Place des Arts (avec en arrière-plan le Musée Russe) était le lieu de ralliement des intellectuels (surtout des professeurs et des étudiants) en quête d'un petit job d'appoint en lien avec le tourisme : visite guidée de la ville, interprêtariat, travaux de traduction, cours particuliers dans diverses disciplines, aide pour les nombreuses formalités administratives...
Voilà : pleins d'autres sujets auraient sans doute mérité que je m'y attarde (organisation des lopins de terre, habitat, commerces, spectacle de rue, files d'attente devant les banques et bureaux de change, mendicité, vie à la campagne, marchés, nourriture, etc), malheureusement, bien souvent je n'avais pas d'appareil sous la main prêt à photographier, ou alors j'avais la tête ailleurs !
Rammstein
Avertissement 2 : ces clichés ont été pris au siècle dernier avec un appareil photographique argentique, bien avant l'avènement du numérique. Pas question de mitrailler donc : avec l'argentique, chaque photo est réfléchie et nécessite une mise au point. Ceci nuit évidement à la réactivité mais constitue à mon sens l'essence même de la photographie. Bien souvent je n'ai pas disposé à temps d'un appareil opérationnel afin d'immortaliser une situation particulière. De nos jours, ce travail documentaire serait certainement beaucoup plus aisé.
Avertissement 3 : sachant que je tiens à mon anonymat, il m'en coûte énormément de publier ces photos privées sur un forum public. Pour autant, ces clichés témoignent d'une époque difficile de l'Histoire de la Russie et méritent d'être montrés à tous ceux curieux de savoir à quoi ressemble l'effondrement total d'un système arrivé à bout de souffle et achevé par une crise économique carabinée. Si vous pensez m'avoir reconnu, dites-vous bien que nous étions plusieurs dizaines de français présents sur les lieux à cette période. Il est donc très improbable que je sois la personne à laquelle vous pensez !
Le poids des mots, le choc des photos ! Après qu'ils aient passé plus de 20 ans au fond d’une armoire, j’ai finalement scanné les négatifs des photos prises en Russie pendant la période 1998-1999. Elles illustrent plutôt bien l'état de délabrement qui peut régner dans un pays en faillite. Quelques films ont mal vieilli, mais globalement le reste a conservé une bonne qualité chromatique.
Les clichés ont été réalisés pour l'essentiel en lumière naturelle avec un appareil photographique argentique acheté sur place, un Zenit 12CD (en fait SD, la version locale du modèle 12XP destiné alors à l’export) équipé d’un objectif Helios 44-M4. Vous me pardonnerez l’imperfection de certains prises de vues : à l’époque je débutais en photographie et apprenais laborieusement à maîtriser mon premier reflex soviétique, qui comme vous le voyez ci-dessous est loin d'être compact, léger et facile à manipuler ! Pour couronner le tout, les conditions climatiques et la nuit polaire ont souvent compliqué la tâche : pellicule gelée dans l’appareil, pénombre permanente, buée sur les optiques, doigts gourds…
Je poste les photos en vrac, vaguement regroupées par thème, mon objectif étant surtout d'illustrer par la photographie mes écrits publiés dans ce fil de discussion il y a déjà bien longtemps... Sortez la vodka et les cornichons, c’est parti pour un voyage dans le passé post-soviétique !
- L’entrée du célèbre théâtre Marinskii (ex-Kirov), avec en face une enseigne de restauration rapide américaine (hum !) très prisée des touristes étrangers. Et donc en toute logique l’endroit attirait des bataillons d’enfants des rues, venant mendier n’importe quoi : argent, nourriture, cigarettes… Je reste volontairement soft, la Russie des années 90 ayant également servi de terrain de chasse à de nombreux prédateurs homosexuels occidentaux amateurs de petits garçons... Une constante demeure toutefois dès qu'un pays plonge dans la crise économique : la prostitution explose et envahie complètement tous les échelons de la société. Où que vous alliez, vous rencontrerez des prostitué(e)s ! Il se peut même que votre voisine, si timide et réservée, n'ait que ce moyen-là à disposition pour payer son loyer et boucler ses fins de mois... Et face à cela, toutes les lois des bien-pensants ne peuvent rien !
- Une automobiliste en infraction se fait contrôler par un policier. A l’époque, les policiers avaient pour habitude d’arrêter les automobilistes pour des motifs futiles (en Russie cela ne manque pas) et d’infliger des amendes à tire-larigot, payables de suite en liquide, naturellement. Une façon comme une autre d’arrondir ses fins de mois dans un état en faillite !
- Changement de pneu à la hussarde pour ces conducteurs de bus, armés d’une simple barre à mine. Ou quand les services publics doivent improviser et faire face au manque chronique de moyens...
- De façon générale, les transports en commun souffraient chroniquement d'obsolescence et d'un manque criant de moyens. Pour autant ils assuraient leur service vaille que vaille, constituant pour beaucoup de Russes leur seul moyen de transport. Ici des trolleybus bien fatigués assurent la desserte du centre-ville, et comme on peut le constater, un peu de neige sur la chaussée n'est pas un problème en Russie !
- Panne au beau milieu de la circulation ! Lorsque tout se déglingue et qu’aucune assistance n'est à espérer, on ne peut compter que sur soi-même, quitte à gêner le trafic routier !
- Scène banale de circulation, mettant en scène un break hors-d'âge de fabrication soviétique, chargé jusqu'au toit d'un capharnaüm indescriptible. Disposer d'un véhicule apte à ce genre de tâche est un avantage indéniable en période de crise !
- Autre scène banale de circulation automobile dans la Russie post-soviétique : ce qui pouvait toutefois interpeller le touriste à l'époque était la présence non-négligeable (10 à 15% selon des estimations) de véhicules - et surtout de berlines allemandes ! - roulant avec des plaques numéralogiques allemandes ! N'allez pas croire que des automobilistes allemands, cèdant à une vilaine habitude, se soient égarés un peu trop à l'Est de l'Oder-Neisse en quête d'espace vital ! La totalité de ces véhicules était en fait volée. Leur nouveau propriétaire, sans doute atteint de phobie administrative à l'instar de l'ex-ministre Thomas Thévenoud, préférait alors payer des contraventions et des pots-de-vin plutôt que d'effectuer des formalités d'immatriculation qui auraient suscité des questions indiscrètes de la part des autorités. A noter que plusieurs marchés aux voitures volées étaient ouverts en permanence aux quatre coins de la ville, au vu et au su de tous !
- Par rapport à ce que nous connaissons à l’ouest, les villes russes sont très étendues, ce qui est bénéfique pour la santé car le moindre déplacement implique beaucoup de marche ! L’autre option consiste à emprunter les transports en commun. Et là on est vite confronté à l’organisation toute particulière des services publics post-soviétiques ! Il faudrait en fait plutôt parler de désorganisation, car la pénurie de moyens fait que des lignes de bus sont supprimées sans préavis, des arrêts ne sont plus assurés, la fréquence des passages se réduit, et les aléas dus au manque d’entretien du matériel se multiplient. Situation typique : on sait, au mieux, qu’un bus doit passer quelque part par-là, on ne sait quand. Un arrêt de bus est tout de même matérialisé par une feuille A4 punaisée sur un arbre et un semblant de panneau. Evidemment on attend le passage d'un hypothétique bus une demi-heure, une heure… La nuit tombe... On se résout à rentrer à pieds, quand finalement une auto brinquebalante se pointe et permet de rentrer via le paiement de la course. Depuis, la situation s'est certainement arrangée ! Notez qu'à l'époque les bicyclettes se faisaient bizarrement très rares.
- A titre de comparaison, le métro fonctionnait comme un coucou suisse, et demeurait pendant la belle saison un moyen de transport vital pour de nombeux Russes enchaînant les aller-retours entre leur domicile citadin et leur lopin de terre en périphérie de la ville. On croisait donc souvent dans les rames du métro des gens chargés comme des mules, le sac-à-dos, les cabas et le chariot à roulettes (un autre outil indispensable à tout survivaliste se préparant sérieusement !) remplis de fruits et légumes ! La photo ci-dessous a été prise à l’entrée d'une station de métro : l’affluence et le froid intense font qu’un brouillard à couper au couteau et un taux d’humidité proche des 100% règnent en permanence dans les stations de surface. A contrario, plus on s’enfonce (le métro de Saint Pétersbourg descend à plus de 80m sous la surface et est un des plus profond et majestueux du monde), plus l’air devient respirable. Accessoirement, l'entrée de la station est le passage obligé des stalkers partant explorer les ruines radioactives du monde ancien ! Notre stalker ici présent porte la tenue typique du grey man russe des années 90 : veste de couleur sombre (bien souvent en peau de vache locale à peine tanée), des chaussures en cuir fabriquées en Chine, un vieux pantalon sombre de confection soviétique, et un couvre-chef assorti à la tenue (bonnet, ou plus généralement une chapka en fourrure). L'accessoire indispensable reste un sac, de sport de préférence pour les plus fortunés, ou en plastique pour les prolos. Ce sac permet le transport des objets trouvés en chemin (bouteilles consignées par exemple) et des achats imprévus, nul n'étant à l'abri d'une bonne affaire.
- Quelques kiosks stratégiquement positionnés à proximité d’une station de métro. Ce genre de commerces préfabriqués, ouverts quasiment en permanence et particulièrement lucratifs, était très courant, et malheureusement l’objet de nombreuses convoitises, que ce soit de la mafia ou de miliciens véreux. Autour s’agrégeait toute une ribambelle de vendeurs à la sauvette ou occasionnels, cherchant à se faire un peu d’argent en vendant de menus objets, le produit de leur cueillette ou la production de leur jardin potager.
- La même scène, à proximité d'un arrêt de bus. L’affluence que l’on voit sur la droite est constituée de gens attendant le bus et le tramway, vu que la voiture est devenu un produit de luxe que beaucoup ne peuvent plus se payer ou entretenir dans la Russie post-soviétique des années 90. Si vous êtes malin, vous investissez dans une camionnette apte au transport de passagers et de fret (LE véhicule survivaliste par excellence AMHA !) et suivez la desserte des lignes de bus officielles pendant les heures creuses : succès commercial assuré !
- Un marché officiel non loin de la frontière finnoise : comme à peu près dans tous les pays civilisés, les commerçants paient aux autorités une taxe afin de bénéficier d'un emplacement. Peut s'ajouter à cela un dessous-de-table supplémentaire pour bénéficier de la protection ou de l'indulgence de la milice. Les marchés "gris", inofficiels, étaient quant à eux généralement sous la coupe de la mafia, bien que parfois la ligne de démarcation entre milice et mafia soit très floue... Aux abords du marché (à droite sur la photo) les vendeurs à la sauvette exposent leur camelotte. Des marchés "gris" se tenaient de façon permanente dans des banlieues reculées, et étaient beaucoup mieux sécurisés : clôture, gardes armés, check-point à l'entrée... Sur ces marchés alimentés par la mafia pouvaient s'acheter des articles contrefaits (les CD étaient à la mode à l'époque), du matériel volé, de l'alcool frelaté, et même des armes en étant gentil avec le vendeur !
- Le miracle architectural socialiste (sic) a fait que les immeubles d’habitation sont construits à l’identique sur tout le territoire de l'ex-URSS, au point qu’il est très facile de s’y perdre. Le découpage des appartements est également partout identique, et souvent on y trouve les mêmes meubles standards. Un film comique russe très célèbre se moque d’ailleurs du phénomène : Ирония судьбы, или С лёгким паром! / L'Ironie Du Sort. Ici on voit une cour, dans un coin de laquelle est placé le conteneur à déchets. Les habitants y jettent leurs ordures, et une fois par semaine on y met le feu, le ramassage des poubelles étant de l'histoire ancienne ! Pour l'anecdote, j’ai vu de petits enfants jouer des heures dans cette cour, sans gants par -25°C, comme quoi tout est question d’habitude !
- Les appartements du rez-de-chaussés étant particulièrement exposés aux cambriolages et autres dégradations, leurs fenêtres sont souvent pourvues de barreaux. Ou alors les lieux restent innocupés et servent de squats et de salles de shoot aux héroinomanes ! Les propriétaires les plus fortunés se regroupent dans des immeubles un peu mieux sécurisés, et engagent des gardes armés chargés de filtrer en permanence les entrées et sorties. Mon logement ne dérogeait pas à la règle, et filer un billet aux gardes de l'immeuble faisait partie des règles de politesse. Les agrès des aires de jeu sont également standardisés : chaque cour d'habitation, chaque village dispose de sa capsule Soyouz sur laquelle les enfants jouent aux cosmonautes. A noter que des magasins et des lieux de restauration se cachaient parfois derrière ces bâtiments très discrets, au risque de passer totalement inaperçus. Je me souviens avoir été présent dans un bar, à jouer au billard avec une poignée d'autres clients, alors qu'un baron local - obèse ! - est entré accompagné de ses filles de joie et de ses gardes du corps. Il a clairement fait comprendre que nous étions de trop, et nous sommes donc partis. Quelques minutes plus tard, un commando rival a débarqué dans l'établissement et arrosé tout ce beau monde à la kalash ! Des morts, des blessés, et un local bien achalandé malheureusement fermé pour inventaire !
- Un parking privé au pied d’un bloc d’habitations. Les gardiens (en général d'anciens militaires et miliciens) se relayaient 24/24 heures, 7/7 jours, dans la petite cabane blanche montée sur le container en acier rouge. Ils passaient leur temps à boire du thé (si si !) et arboraient tous de jolies Kalash ! Le genre de types avec lesquels il valait mieux être copain ! Accessoirement, les métiers de la sécurité peuvent devenir une bonne source de revenus en période de vaches maigres, de paupérisation générale et de criminalité rampante, pour peu que vous soyez un minimum affûté physiquement.
- Un chien errant a tenté de me suivre lors d’une balade. Heureusement le grillage d'un terrain de tennis nous séparait ! Dans certains parcs et quartiers, de véritables meutes de chiens abandonnés s'étaient constituées, au point que les forces de l'ordre ont dû mettre en place des équipes d'élimination.
- Une vue sur le no-man’s land entourant les habitations de la périphérie. Mine de rien, ces vastes étendues étaient (et sont sans doute toujours) très fréquentées, car toute une faune s’y promenait en quête de potentielles victimes à dépouiller, d’objets déglingués à récupérer, ou simplement pour y cuver sa vodka. C’est également le terrain de jeu des Gopniki, ces jeunes russes désœuvrés et sans perspectives, singeant la sous-culture des rappeurs afro-américains. J'avais la chance d'être français et généreux, et donc les rencontres possiblement risquées se sont toujours bien terminées, les français ne courant pas les rues à l'époque. Pour l'anecdote, un article était sorti dans le journal local, indiquant que d’heureux prospecteurs avaient découverts une ancienne décharge enterrée remplie de bouteilles en verre dans un de ces nombreux no man’s lands de banlieue. Et qui dit verre dit consigne et donc kopecks !
- Petite escapade sur la Baltique gelée ! Les petits points noirs à l'horizon sont des pêcheurs partis pêcher au large, dans des trous creusés dans la glace. La proximité de la mer permet en effet aux plus modestes de se procurer par la pêche de quoi nourrir leur famille. A l'époque les privations alimentaires n'étaient pas rares, et certains de mes interlocuteurs russes - des citadins pur jus ne sachant sans doute pas pêcher - affichaient une maigreur à faire peur !
- Voici d'ailleurs un pêcheur de retour sur la berge, et manifestement pas bredouille ! Il porte l'acoutrement typiquement russe adapté au grand froid : chapka, épais manteau en peau et fourrure de mouton (bekesha) descendant jusqu'aux genoux, bottes de feutre adaptées à la marche dans la neige (valenki). La pêche était typiquement la seule activité permettant de mettre en quantité des protéines sur la table, la viande du commerce étant hors de prix et/ou de mauvaise qualité en raison de l'absence de chaîne du froid. Le secteur agricole, alors en plein bouleversement, s'est depuis considérablement développé.
- Des pêcheurs reviennent en ville avec leur butin. Saint-Pétersbourg comporte en effet de nombreux canaux navigables pendant la belle saison. Les poissons, au préalable salés et sêchés, se retrouvent ensuite directement sur les marchés locaux, et se dégustent arrosés de bière et de vodka. Certes cette activité était alors moins prestigieuse que la construction de sous-marins nucléaires, mais elle garantissait au moins à la ville un certain degré d'autonomie alimentaire.
- La Kazanskii Sobor / cathédrale de Kazan, lieu de rassemblement des anarchistes et des communistes en mal de putsch au plus fort de la crise financière. Ce jour-là, quelques bolchéviques étaient de sortie, mais l'affluence était loin d'égaler celle du mois d'août 1998, où une mobilisation massive du parti communiste avait rassemblé au même endroit plus d'un million de personnes et nécessité la mobilisation de l'armée et des troupes du ministère de l'intérieur. J'avais évité le centre-ville à l'époque, mais avais quand même été raflé par l'armée dans une station de métro voisine. Le pauvre trouffion avait alors halluciné en voyant mon passeport français...
- Une babouchka se rendant en ville fait un petit somme dans le train, sans pour autant lâcher ses cabats. De nombreux commerçants improvisés profitent des transports publics pour écouler leur marchandise. Les trains eux-mêmes - chauffés ! - sont également des lieux de commerce très appréciés, des vendeurs ambulants écoulant leurs babioles (journaux, livres, viennoiseries, sucreries...) pendant le trajet. Ces vendeurs ambulants sont souvent des femmes retraitées essayant de compléter leur maigre retraite avec ce revenu complémentaire. Quant à eux hommes, ils mouraient avant d'atteindre 60 ans - en moyenne - ce qui leur permettait d'éviter par la force des choses l'exercice de ces petits boulots mal payés !
- Le centre névralgique de toute ville russe en hiver : la centrale thermique ! Celle-ci permet d'alimenter à l'échelle de la ville les réseaux d'eau chaude (il n'y a pas de cumulus dans les appartements soviétoides, histoire de limiter la maintenance au stricte minimum) et de chauffage central. Evidemment, l'impact environnemental du bidule est loin d'être anodin quand on utilise du charbon... A l'époque il n'était pas question de sauver la planête, et de toute façon la Russie était considérée comme moribonde... Le thermomètre affichait ce jour-là un petit -34°C : ma pellicule capitaliste de marque Kodak a gelé dans l'appareil. Quant à moi, j'ai fait la tournée des bars de la ville afin de ne pas mourir de froid, la semelle de mes godillots ayant gelé !
- Crise économique ne signifie pas forcément baisser la garde ! L'armée russe, bien que démoralisée par la 2e guerre de Tchétchénie et chroniquement sous-équipée, parvenait à maintenir un semblant de cohésion et d'efficacité, au prix d'une discipline de fer et d'un entraînement sans pitié ! Mine de rien, les restes encore vaillants de l'Armée Rouge ont sans doute évité au pays de se faire littéralement bouffer par l'ogre américano-capitaliste ! Il n'était pas rare de voir la troupe se déplacer d'un point A à un point B à pied, voire à marche forcée ! La période étant en outre très agitée (manifestations monstres, menaces de putsch, terrorismes islamiste et séparatiste...), la troupe servait de bouche-trou aux forces de police et s'affichait dans de nombreux lieux publics, sur le modèle du plan vigipirate français.
- La ville ayant conservé un certain attrait, l'afflux de touristes permettait la rentrée de devises et l'exercice d'activités professionnelles en lien avec le tourisme. Le peintre ci-dessous, par exemple, approvisionne avec ses peintures le marché touristique de la cathédrale Spas-na-Krovi / Saint-Sauveur-Sur-Le-Sang-Versé, situé à proximité. Vu l'âge du peintre, on peut aisément imaginer que cette activité apporte un complément conséquent à sa maigre retraite ! De façon générale, en temps de crise, toute activité de loisirs un tant soit peu artisanale ou artistique peut devenir possiblement rémunératrice. Et si c'est votre profession, c'est encore mieux ! L'avénement d'internet est, de ce point de vue-là, à voir d'un bon oeil car il permet de toucher une clientèle beaucoup plus vaste !
- Malgrè le froid, Pouchkine reste toujours fringant ! Du fait de la fréquentation touristique, la Place des Arts (avec en arrière-plan le Musée Russe) était le lieu de ralliement des intellectuels (surtout des professeurs et des étudiants) en quête d'un petit job d'appoint en lien avec le tourisme : visite guidée de la ville, interprêtariat, travaux de traduction, cours particuliers dans diverses disciplines, aide pour les nombreuses formalités administratives...
Voilà : pleins d'autres sujets auraient sans doute mérité que je m'y attarde (organisation des lopins de terre, habitat, commerces, spectacle de rue, files d'attente devant les banques et bureaux de change, mendicité, vie à la campagne, marchés, nourriture, etc), malheureusement, bien souvent je n'avais pas d'appareil sous la main prêt à photographier, ou alors j'avais la tête ailleurs !
Rammstein
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Re: Russie 1998-1999
Super sujet, Rammstein. Merci d'avoir partagé !
Ca aide à relativiser certaines choses...
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