[Bidouille] Oilskin / Cire imperméabilisante - Fabrication, mise en oeuvre et utilisations

Rester sec est une préoccupation récurrente depuis les débuts de l'Humanité. L'avènement du caoutchouc et des matériaux plastiques et synthétiques issus notamment du pétrole a bien évidemment simplifié les choses. Pour autant, il peut être utile de connaître les vieilles recettes d’antan pour le cas où.

La recette qui suit est très simple à mettre en œuvre. Elle est naturelle à 100% et bien évidemment très efficace. Le produit obtenu - l'oilskin, un terme anglo-saxon, sans équivalent en Français, qu'on pourrait traduire par cire imperméabilisante - est polyvalent et peut servir à étanchéifier un vêtement et plus généralement un tissu quelconque, mais aussi à lubrifier un mécanisme, imperméabiliser du cuir, préserver du pourrissement un objet en bois, etc. La recette est loin d'être inconnue chez nous, puisque nos anciens la connaiss(ai)ent sous diverses formes.

Tous ceux ayant eu à affronter la pluie et l'humidité connaissent le truc de la bougie, qui permet d'imperméabiliser tout tissus en fibres naturelles à moindre frais. Il suffit de frotter une bougie sur le tissus, de faire pénétrer la cire à l'aide d'un coup de fer à repasser ou de sèche-cheveux, et le tour est joué !







L'inconvénient de cette méthode est que le tissu ainsi imprégné devient rigide et cartonneux, la cire se solidifiant à température ambiante. L'imprégnation est en outre loin d'être homogène. Cette solution est donc un pis-aller acceptable et bon marché, mais loin d'être parfait. L'oilskin est un produit contenant également de la cire, mais celle-ci est diluée avec de l'huile et un solvant, ce qui lui confère une certaine souplesse.


Fabrication

Pour fabriquer de l'oilskin il vous faut :
- de la cire d'abeille pure, idéalement obtenue auprès d'un apiculteur,
- de l'essence de térébenthine, ou faute de mieux du White Spirit,
- de l'huile de lin, si possible bouillie au préalable mais on peut s'en passer,
- un récipient en métal ou en verre passant au four ou au feu et pourvu d'un couvercle hermétique,
- une touillette quelconque genre bâtonnet en bois.



Les proportions à respecter sont les suivantes : 50% de cire d'abeille, 25% d'huile de lin et 25% d'essence de térébenthine. Ces quantités sont données à titre indicatif, la recette s’accommodant d'adaptations sans conséquences notables sur les performances du  produit fini. On peut donc le cas échéant se permettre de doser la matière première à la louche. Ces 3 produits ayant en outre des masses volumiques plutôt proches à l'état liquide, on peut aussi bien procéder à un dosage massique que volumique.

Par sécurité, il est recommandé de bien aérer les lieux, car des vapeurs plus ou moins toxiques vont se dégager pendant la préparation.

On commence par faire fondre la cire (ici 300g). Personnellement je préfère réaliser cette opération au four et directement dans le récipient devant accueillir le produit fini, pour m'éviter de la vaisselle sale et les remarques désobligeantes de Madame Rammstein. Dans le cas présent j'utilise un pot de peinture en métal, acheté 89 centimes dans un supermarché de bricolage. Le passage au four autorise une fonte plus rapide et uniforme de la cire. Le four réglé sur 70°C, la cire fond mais ne brûle pas.



Une fois la cire liquide, on retire le récipient du feu / four, et l'on ajoute l'huile de lin...



...et l'essence de térébenthine, en touillant constamment pour homogénéiser le mélange. On peut au besoin remettre le récipient à chauffer quelques minutes si la cire prend trop rapidement. On évite évidement de respirer les vapeurs !



On touille quelques minutes, puis éventuellement on verse le mélange dans le contenant final. A ce stade, les plus délicats peuvent rajouter quelques gouttes de parfum ou d'huile essentielle, pour atténuer l'odeur du produit fini. On laisse refroidir, et l'on obtient une pâte solide dont la consistance rappelle celle du cirage : l'oilskin.






Mise en œuvre

Comme dit précédemment, l'oilskin sert prioritairement à imprégner des tissus en fibres naturelles, de façon à les rendre imperméables. On peut donc ainsi à moindre frais imperméabiliser des vêtements, mais aussi des accessoires : chapeau, chaussures, gants, sac, toile de tente en coton, etc... Démonstration en images avec ce sac à pain est-allemand en coton :



Mieux vaut préparer le terrain avant de se lancer dans l'aventure, et protéger correctement votre espace de travail. J'ai placé un morceau de carton à l'intérieur du sac pour faciliter les manipulations.



Tant que le produit est encore chaud et liquide, son application est aisée. Un simple pinceau suffit à traiter en profondeur l'objet de votre choix.



L'application peut aussi se faire à froid, à la main ou à l'aide d'un applicateur quelconque. On tartine simplement la pâte sur toute la surface de l'objet à traiter :



Une fois l'objet bien tartiné, le résultat n'est pas très ragoûtant et semble tout droit sorti de l'estomac d'un gnou :



Pas de panique ! On branche le sèche-cheveux - ou mieux : le pistolet thermique ! - et on fait délicatement fondre la pâte de façon à imprégner complètement en profondeur l'objet :





Une troisième méthode donne d'excellents résultats paraît-il, mais je n'ai pas encore eu l'audace de la tester, là encore à cause de Madame Rammstein. L'astuce consiste à placer l'objet tartiné d'oilskin dans le sèche-linge, et de lancer un cycle de séchage d'une vingtaine de minutes. Le résultat obtenu est apparemment plus homogène que celui obtenu par un procédé manuel.

Une fois l'imprégnation terminée, il est bon d'étendre l'objet à l'air libre pendant un ou deux jours, pour d'une part le laisser sécher, et d'autre part permettre aux odeurs de lin et de térébenthine de s'atténuer. A l'issue de ce traitement, l'objet a pris une coloration légèrement plus foncée. Au contact, le tissus est un poil plus rugueux, et, selon la quantité de cire utilisée, l'objet traité est également un peu plus rigide.



Selon l'épaisseur du tissu ou du cuir à traiter, il se peut que l'opération d'imprégnation soit à réitérer pour atteindre un résultat optimal. Idem si l'on souhaite une teinte plus uniforme.


Utilisations

Comme dit en préambule, l'oilskin est un produit polyvalent et facile à fabriquer, qui peut servir à une foultitude de choses. Parmi les utilisations intéressantes, on peut ainsi citer :
- le traitement des manches d'outils exposés à l'humidité afin d'éviter leur pourrissement,
- la lubrification de pièces métalliques et de mécanismes,
- la réalisation d'une toile de tente / tarp imperméable à partir des vieux draps de mémé,
- le traitement des cuirs,
- l'imperméabilisation d'accessoires vestimentaires : chapeau, guêtres, gants, ceinturon...
- l'imperméabilisation de divers équipements et effets en toile : sac-à-dos vintage, chaussures, housse d'outil, musette, Zeltbahn,manteau, pantalon...

Est-ce efficace ? Démonstration :





L'imperméabilisation d'effets vestimentaires selon cette méthode, si elle constitue une option séduisante, présente toutefois quelques inconvénients. En effet, plus un vêtement est traité à l'oilskin, plus il est imperméable, et donc logiquement moins il est respirant. Conséquence : le vêtement se transforme en sauna ! Le traitement à l'oilskin rigidifiant le tissus, le port du vêtement peut également devenir inconfortable. A cela peuvent s'ajouter le changement de couleur, la présence d'auréoles, d'éventuelles odeurs désagréables (qui s'atténueront au fil du temps), ainsi que des plis plus marqués à l'usage.

Rammstein

Joli tuto !
Des images, des couleurs, belle mise en forme ... même moi j'ai réussi à le lire !

J'ai déjà utilisé de l'huile de lin.

Elle est très bien pour protéger le bois, et même pour entretenir les meubles en bois exotique, plutôt que d'utiliser celle préconisée par les fabricants (chère et chimique).

Toutefois, j'ai constaté que son acidité est très corrosive sur les tissus et le cuir.

J'en ai appliqué pure sur des chaussures en cuir, en 2 semaines le cuir s'est déchiré; les chaussures étaient usagées, ce fut à titre d'essai.
Même opération (toujours pure) sur un blue-jean, le tissus se déchirait aux plis.

Est ce que ton mélange atténue la corrosivité de l'huile ?

Je crains que sur le moyen/long terme, les fibres soient rongées.

Ou faudrait il ajouter une base (de la soude ? du bicarbonate de soude ?) pour en diminuer l'acidité ?

Intéressant merci pour ces infos.
Perso j'utilise de l'huile de lin pour étanchéifier mes ruches. Je passe une couche ou deux en hiver. Je préfère cela aux peintures non naturelles.
je me demande si par exemple mélanger uniquement l'huile de lin avec la cire d'abeille renforcerait le pouvoir imperméable de l'application. Sans utiliser pour cela l'essence de térébenthine ....

La térébenthine fluidifie l'huile, assez épaisse en soi même sans cire, pour améliorer sa pénétration.

La térébenthine est produite à partir de résine naturelle, mais elle est toxique pour l'environnement.

Merci pour ces précisions  Chlivo.
J'applique mon huile de lin une fois chauffée donc fluide.
A quoi sert la terebenthine dans ce cas ?

La térébenthine sert à fluidifier le mélange et améliore la pénétration dans les fibres. Ne pas oublier que le mélange est constitué à 50% de cire d'abeille, l'huile de lin ayant surtout un rôle d'"assouplissant" !

Petite précision : la recette présentée ci-dessus serait celle utilisée par les trappeurs nord-américains au 19e siècle...

Rammstein

J'utilise ce genre de recette ( mais en 1/3 de chaque ) pour traité mes meubles après construction

Je pourrais en avoir une autre utilité maintenant.

Félicitations Ramm pour ce retex, d'une grande pédagogie et d'excellente qualité !
Cela me tente bien d'essayer avec une besace qui prend l'eau à chaque sortie...